La nutrition, ça a l’air si simple comme ça… Pas assez de vitamine D ou de fer dans le sang ? Hop je me complémente. Fatigue ? Hop je prends du magnésium. Le zinc est anti-acné ? Hop j’en commande. Beaucoup de compléments alimentaires étant en libre service en pharmacie, en magasin bio, sur internet… c’est d’autant plus facile d’auto-gérer sa santé. Sauf que… Sauf que si la nutrition était aussi simple que ça, mon métier n’existerait pas !

Dans cet article, je souhaite vous expliquer en quoi la micronutrition (l’étude des vitamines, minéraux… bref des micronutriments) est une réelle expertise, et pourquoi vous avez besoin des conseils d’un professionnel sérieux pour éviter de vous faire plus de mal que de bien avec les compléments alimentaires.

Vitamine D

« Il faut se complémenter en vitamine D tout l’hiver »… en réalité c’est beaucoup plus complexe que ça !

La vitamine D testée via prise de sang est la 25-OH-D, mais sachez qu’il existe d’autres formes, notamment la 1,25-OH-D (la forme la plus active) qui peut être élevée quand la 25-OH-D est basse. Dans ce cas si on se complémente, on peut faire monter la 1,25-OH-D, la rendre excessive, et créer des problèmes (par ex la 1,25-OH-D est souvent trop haute chez les personnes ayant des maladies auto-immunes). La simple prise de sang ne nous dit donc pas tout en ce qui concerne la vitamine D !

Par ailleurs le corps baisse parfois “volontairement” le taux de vitamine D pour nous protéger. Par ex, dans le cas d’une calcification des tissus périphériques (c’est-à-dire quand le calcium fuit des os pour se loger un peu n’importe où), le corps baisse le niveau de vitamine D pour réduire l’absorption de calcium via les intestins. La baisse de vitamine D est ainsi un mécanisme protecteur pour éviter une plus ample calcification des tissus périphériques : le problème n’est pas ici le manque de calcium, mais le fait que le calcium ne va pas là où il doit aller (c’est-à-dire dans les os).

Il s’avère aussi qu’une baisse de vitamine D serait davantage une conséquence de maladies chroniques plutôt qu’une cause. Dans ce cas en se supplémentant, on peut éventuellement momentanément soulager les symptômes, mais pas régler le problème.

Aussi, saviez-vous que sans suffisamment de magnésium, la complémentation en vitamine D est vaine ? Le magnésium est requis pour sa synthèse et son métabolisme.

Enfin, saviez-vous que la vitamine D n’était pas vraiment une vitamine… mais une hormone ? Déjà que je mets en garde contre l’auto-complémentation avec des nutriments, alors l’auto-complémentation avec une hormone est un sujet encore plus sensible.

Je ne dis pas que se complémenter est vitamine D est forcément mauvais, je dis que se complémenter “à l’aveugle” n’est pas une bonne idée !

Magnésium

Le magnésium est mon minéral préféré, car on en a besoin pour réaliser plus de 600 fonctions dans l’organisme (en vrac : santé cardiovasculaire, équilibre hormonal, fertilité, muscles, fabrication d’antioxydants, production d’énergie, santé du foie et des glandes surrénales… et j’en passe) ! Et pourtant on estime que 75% de la population est carencée à cause de la pauvre teneur en magnésium des aliments, du stress qui fait fuiter le magnésium, de même que l’aluminium, la consommation de sucre, certains types d’alimentation…

Mais il y a beaucoup d’ignorance sur le magnésium. Premièrement, tester le taux de magnésium dans le sang ne sert à rien, car il n’y a qu’1% du magnésium dans le sang. Ensuite, le sang n’est qu’un véhicule dont le job est de “livrer” les nutriments (dont le magnésium) aux cellules. C’est une fois à l’intérieur de la cellule que le magnésium peut exercer ses fonctions et être réellement actif. Tester le taux de magnésium érythrocytaire (dans les globules rouges) n’est pas non plus intéressant puisque le magnésium se loge surtout dans les mitochondries (les usines à énergie dans nos cellules), or les globules rouges n’ont pas de mitochondries.

Pour que le magnésium entre dans les cellules, il a besoin d’autres nutriments, qu’on appelle des “cofacteurs” dont le potassium, la vitamine B6 ou encore le bore. Or il est très fréquent d’être en carence en ces cofacteurs.

Par ailleurs, encore faut-il bien choisir son complément de magnésium. Par ex l’oxyde de magnésium (= magnésium marin) qu’on trouve le plus fréquemment est en réalité très peu absorbé et rentre peu dans les cellules. Le citrate et le sulfate de magnésium non plus ne rentrent pas bien dans les cellules et peuvent accélérer le transit (effet surprise garanti si on n’est pas au courant !). Le malate de magnésium est indiqué pour la fatigue mais peut perturber le sommeil…

Bref, ne prenez pas n’importe quel magnésium, car l’effet ne sera pas forcément celui que vous recherchez !

Fer

Le plus souvent, pour évaluer votre taux de fer, on vous fait tester la ferritine via prise de sang. Et si on la considère trop basse on vous donne un complément alimentaire, ou alors on vous fait une injection intramusculaire de fer. Ce qui peut faire considérablement augmenter la ferritine… or une ferritine trop haute, même momentanée, peut alimenter des infections, abimer le foie et générer de l’inflammation chronique. Il est donc important d’ajuster le dosage de manière individuelle.

Mais évaluer le taux de fer sur la seule base de la ferritine est réducteur (même si c’est déjà mieux que de se supplémenter à l’aveugle). La ferritine est une protéine qui stocke le fer. Or le fonctionnement du fer est bien plus complexe, et un grand nombre d’acteurs entrent en jeu en plus de la ferritine (transferrine, coefficient de saturation de la transferrine, capacité totale de fixation de la transferrine, entre autres…). Tester la ferritine seule peut vous induire en erreur : votre ferritine peut être trop basse, mais d’autres marqueurs indiquer au contraire un excès de fer. Avec la ferritine seule, vous pouvez ainsi opter pour la complémentation qui viendra empirer un excès de fer potentiellement présent, ce qui est dangereux pour la santé. Car le fer en excès se comporte comme un pro-oxydant (autrement dit ça nous rouille de l’intérieur), contribue au diabète, au foie gras, peut alimenter un déclin neurologique, nourrit les mauvaises bactéries et parasites qui se baladent à l’intérieur de nous…

Et si vous testez tous les marqueurs de fer cités plus haut, sachez que la lecture de la prise de sang complète est plus complexe que d’évaluer simplement si c’est “trop haut” ou “trop bas” ou “dans la norme”.

Aussi, saviez-vous que pour être utilisé correctement, le fer a besoin de cuivre et de vitamine A ? Une complémentation en fer sans statut adéquat de ces deux nutriments est donc contreproductive.

D’où l’utilité des professionnels comme moi pour interpréter vos analyses et vous orienter vers une complémentation (si elle est réellement nécessaire) adaptée !

Zinc

Le zinc est un minéral que de nombreuses personnes prennent en complément alimentaire sur le long terme en pensant bien faire. Si c’est bénéfique pour certaines personnes, ça ne l’est pas du tout pour d’autres, car la nutrition est plus complexe qu’il n’y paraît !

A première vue, la complémentation en zinc semble intéressante, puisque le zinc est indispensable à de nombreuses fonctions (synthèse des protéines, fertilité, production d’acide gastrique, d’enzymes digestives et de bile, production et sécrétion d’insuline, système immunitaire, développement du cerveau, santé des yeux, hormones, foie…), et qu’une carence peut conduire à des soucis cutanés, une cicatrisation lente, des problèmes oculaires…

Mais il est important de comprendre que le zinc, comme tous les nutriments, agit en synergie avec d’autres minéraux et vitamines. Le zinc est notamment antagoniste du cuivre (autrement dit ce sont des nutriments “contraires”). Ainsi, une complémentation long terme de zinc peut empêcher la bonne absorption du cuivre et contribuer à une carence en cuivre.

Par ailleurs le zinc est essentiel pour l’activité du système immunitaire. Néanmoins, une complémentation trop importante de zinc peut être néfaste au système immunitaire.

Aussi, sachez que la complémentation en fer ferreux (Fe2+) peut inhiber l’absorption du zinc, ce qui peut nous amener à gaspiller de l’argent dans des compléments de zinc de qualité qui seront peu voire pas absorbés.

Pour résumer : le fer est bien plus complexe qu’on ne croit !

Cuivre

Un de mes sujets préférés car très complexe, et pourtant on en parle trop peu !

On a tous besoin de cuivre pour fonctionner à de nombreux égards (production d’hémoglobine ou d’énergie, fonction thyroïdienne, immunité, activité des neurotransmetteurs, synthèse de collagène, utilisation du fer…). Et d’ailleurs on se complémente souvent en cuivre sans le savoir car de nombreux complexes de multivitamines (générales, prénatales…) en contiennent de petites doses qui nous paraissent insignifiantes.

Et pourtant aujourd’hui nous sommes si nombreuses à avoir trop de cuivre dans notre organisme, et on alimente cet excès avec une complémentation qui nous semble inoffensive…

En effet, la rétention de cuivre peut être induite par la pilule, l’alimentation végé/végan, l’exposition aux perturbateurs endocriniens… On accumule donc peu à peu le cuivre, ce qui stimule à outrance les glandes surrénales qui finissent par fatiguer, tout en réduisant nos stocks de magnésium, potassium ou zinc, à faire fuiter le calcium des os, à réduire les protéines nécessaires à la circulation du cuivre… le cuivre s’accumule dans le foie ou encore le cerveau ce qui peut contribuer voire causer une myriade de dysfonctionnements et symptômes : excès d’oestrogène, mauvaise utilisation du fer/anémie, mauvaise santé mentale et neurologique, foie et flux de bile “bloqués”, glandes surrénales à plat, accumulation d’histamine, immunité perturbée…

Bref, le cuivre si nécessaire à de nombreux égards peut être en cause dans de nombreux soucis de santé, sans qu’on s’y intéresse ! Encore une fois, la complémentation, même à petites doses, est loin d’être anodine.

Iode

L’iode est un nutriment fabuleux extrêmement intéressant pour la santé des femmes notamment puisqu’elle est nécessaire à l’activité de la thyroïde, à la fonction des ovaires, à protéger les glandes mammaires, à la fertilité, au développement du bébé pendant la grossesse, stabilise les tissus particulièrement sensibles à l’oestrogène, se comporte comme un antioxydant, anti-inflammatoire, anti-microbien… Alors pourquoi pas toutes se complémenter en iode ? Parce que l’iode n’est pas anodine. Comme pour tout, il en faut juste le bon taux, ni trop, ni pas assez.

Par exemple, pas assez peut générer une hypothyroïdie, mais trop aussi ! Trop peut même créer une hypothyroïdie auto-immune (maladie d’Hashimoto) de toutes pièces.

Par ailleurs, parfois on peut suspecter une carence en iode, mais le problème n’est pas un manque d’iode : il s’agit souvent d’une impossibilité de l’iode à rentrer dans les cellules. Souvent à cause de la présence de molécules halogènes (fluor, chlore…) qui ressemblent beaucoup structurellement à l’iode, et prennent ainsi sa place sur les récepteurs cellulaires, empêchant ainsi l’iode d’entrer dans les cellules. Dans ce cas, la complémentation d’iode ne vous rendra pas service, au contraire elle favorisera l’accumulation d’iode et les problèmes qui peuvent en découler…

Ceci dit, si vous ne mangez pas ou très peu de produits de la mer (là où on trouve de l’iode), parlez-en à votre praticien spécialisé en nutrition car une carence peut être à l’oeuvre chez vous.

Conclusion : une complémentation en iode ? Peut-être, pourquoi pas, ça dépend, et ça dépend à quel dosage… !

Sodium

Je suis à peu près sûre que vous avez entendu dire qu’il fallait avoir la main légère sur le sel (sodium) pour éviter les problèmes cardiovasculaires. Personnellement, je vous dirais plutôt que le (bon !) sel est bon pour la santé (si si !), et qu’une majorité d’entre nous aurait probablement besoin d’en manger plus. Je vous explique pourquoi…

Il est impossible de survivre sans sodium. Le sodium est nécessaire pour réguler la perméabilité de la membrane cellulaire (cruciale !), faire fonctionner le système nerveux, produire de l’acide gastrique, absorber les nutriments, hydrater nos cellules, maintenir un pH adéquat, réguler nos fluides et la tension artérielle…

Pour que la tension se porte bien, on a besoin de sodium, de potassium, de magnésium… Or une restriction de sel augmente l’aldostérone, une hormone qui encourage la rétention de sodium tout en faisant fuiter le potassium et le magnésium via les reins, créant un excès de sodium et une carence en magnésium et potassium. C’est la recette parfaite pour l’hypertension !

L’idéal serait de consommer du sel non raffinés (sel marin gris non raffiné par exemple) qui contient à la fois du sodium mais aussi d’autres minéraux complémentaires pour réguler la tension (versus le sel de table raffiné qui est à bannir car il ne contient que du sodium chloride), et de rééquilibrer son statut nutritionnel avec l’aide d’un professionnel compétent (car c’est loin d’être simple !).

Je précise bien sûr que chaque cas est unique : parlez-en à votre médecin !

Conclusion

La santé et la nutrition sont ultra complexes (rien n’est simple, ce serait trop facile et dans ce cas mon métier n’existerait pas !). Et les compléments alimentaires sont une réelle expertise. Je déconseille vivement l’auto-complémentation :faites-vous toujours conseiller par un professionnel !