Oestrogène

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L’oestrogène est une hormone phare chez la femme. Il s’agit d’une hormone produite par les ovaires (mais aussi par les cellules adipeuses) en réponse à la FSH (follicle stimulating hormone) produite par le cerveau lors de la phase folliculaire du cycle (avant l’ovulation).

L’oestrogène est en quelques sortes une hormone de croissance puisqu’elle participe à la croissance des tissus possédant des récepteurs d’oestrogène. Ainsi, l’oestrogène favorise la maturation des follicules au sein des ovaires en prévision de l’ovulation, et elle fait croître l’endomètre, cette couche de sang qui tapisse l’intérieur de l’utérus pour constituer un nid douillet pour l’embryon si on tombe enceinte, et que l’on perd pendant les règles si on ne tombe pas enceinte. Quand l’oestrogène atteint un certain seuil, cela signale au cerveau qu’il est temps d’ovuler. L’oestrogène est donc important pour la fertilité…mais pas que !

L’oestrogène joue aussi un rôle majeur dans la santé des os et du cerveau, dans la mémoire, la libido et le sex-appeal, la santé des cheveux et de la peau, la fonction thyroïdienne…

L’oestrogène est donc multi-fonctions, et si on en a trop ou pas assez, de fait de multiples éléments peuvent être déréglés. Par ex si on en a trop, on peut se retrouver avec des règles particulièrement abondantes, des fibromes, de l’endométriose… Si on n’en a pas assez on peut se retrouver en aménorrhée, avoir des soucis de fertilité, des symptômes de ménopause avant l’heure…

J’ai voulu écrire un article sur cette hormone dont on parle beaucoup mais qu’on ne connaît pas assez : souvent, on s’arrête à ce qu’indique un taux d’oestrogène mesuré sur une prise de sang faite au 3e jour du cycle, et si c’est normal, on passe notre chemin… or il y a tant d’autres choses à explorer sur l’oestrogène ! C’est un sujet complexe que je vais essayer de présenter simplement dans les lignes qui suivent.

Un ou des oestrogènes ?

On dit souvent « L’ »oestrogène mais en réalité on devrait des « LES oestrogèneS » car cette hormone a de multiples facettes !

Il y a en réalité 3 formes majeures d’oestrogène chez la femme :

  • L’oestrone (E1) : la forme qui domine en général à la ménopause — oui, vous produisez de l’oestrogène une fois ménopausée ! Cette forme est néanmoins bien moins puissante que les autres.
  • L’oestradiol (E2) : la forme la plus abondante chez la femme réglée, qui est sécrétée notamment pendant la première phase du cycle mentruel (la phase folliculaire qui a lieu avant l’ovulation).
  • L’oestriol (E3) : la forme qui domine lors de la grossesse.

Les prises de sang classiques ne mesurent que l’oestradiol, ce n’est donc qu’une pièce du puzzle. Alors que sur le DUTCH test, un test que je propose à mes clientes quand c’est pertinent, on peut voir ces trois formes et aller bien plus loin dans l’investigation des causes du problème (cf. l’extrait de résultats ci-dessous).

La fabrication de l’oestrogène

L’oestrogène est fabriqué à partir des hormones androgènes, les hormones qu’on associe au masculin (testostérone, DHEA, DHEA-S etc.). L’enzyme aromatase transforme les androgènes en oestrogènes. Et les androgènes sont eux-mêmes produits à partir de la pregnenolone, l’hormone à partir de laquelle on produit aussi du cortisol… tout est lié !

On trouve l’enzyme aromatase dans les ovaires (là on l’on produit le plus d’oestrogène), mais aussi dans les cellules adipeuses (le gras). Résultat : plus on a de « gras », plus on a la capacité de produire de l’oestrogène. Il est d’ailleurs courant que les femmes en surpoids soient en hyperoestrogénie (= excès d’oestrogène) — qui peut par ailleurs amoindrir l’activité thyroïdienne, ce qui à son tour peut contribuer à la prise de poids… c’est un cercle vicieux !

On trouve aussi l’aromatase dans bien d’autres tissus, comme les vaisseaux sanguins, le cerveau, le placenta, l’endomètre, la peau, les os… ainsi que dans les lésions d’endométriose, les fibromes utérins, les cancers du sein ou de l’endomètre…
L’enzyme aromatase est d’ailleurs celle que l’on cherche à inhiber avec les inhibiteurs d’aromatase quand on a eu un cancer sensible à l’action des oestrogènes, puisque l’oestrogène favorise la croissance de ces cancers.

Une fois l’oestrogène créé et utilisé, il faudra alors l’éliminer.

L’élimination de l’oestrogène : Phase 1

Le foie joue un rôle primordial dans la gestion de l’oestrogène : il est en charge de retirer de la circulation sanguine l’oestrogène usé ou en trop pour qu’il soit par la suite excrété ? Mais avant d’en arriver à l’excrétion de cet oestrogène usé/en trop, il doit passer par plusieurs phases de « détox » : la phase 1, la phase 2, la phase 2,5, puis la phase 3.

La phase 1 consiste à transformer l’oestrogène en métabolites intermédiaires, qui sont parfois néfastes s’ils ne passent pas à la phase suivante. Il en existe 3 :
– 2-OH : le plus « safe »
– 4-OH : potentiellement cancérigène
– 16-OH : celui-ci a une activité oestrogénique particulièrement puissante qui peut stimuler la croissance de cancers hormono-dépendants ou de tissus réactifs à l’oestrogène comme les fibromes, l’endométriose… mais ce métabolite n’est pas « all bad » puisqu’il est favorable à la santé osseuse.

Si l’oestrogène est transformé davantage en 16-OH ou en 4-OH plutôt qu’en 2-OH lors de la phase 1 de détox, cela peut être problématique et vous pouvez avoir des symptômes d’hyperoestrogénie alors que vous avez des taux d’oestrogènes normaux. Le problème ici n’est pas l’excès d’oestrogène, mais sa mauvaise élimination par la phase 1.

Vous voyez donc l’importance de creuser plus loin que la simple prise de sang, et de considérer la complexité de l’oestrogène. Encore une fois, le DUTCH test est un bon outil pour comprendre comment se déroule la phase 1 (cf. extrait de résultats ci-dessous). En fonction des résultats, de nombreux outils nutritionnels et lifestyle existent pour favoriser ou réduire la formation de tel métabolite plutôt qu’un autre. C’est d’ailleurs un gros problème de l’auto-supplémentation : certains compléments peuvent pousser un métabolite plutôt qu’un autre alors que vous n’avez pas besoin de ça. Comme toujours, mieux vaut se faire accompagner par un praticien de santé !

L’élimination de l’oestrogène : Phase 2

Une fois les oestrogènes transformés en métabolites intermédiaires, ils doivent être à nouveau transformés en métabolites facilement excrétables par le corps, c’est-à-dire en substances solubles dans l’eau pour être éliminées via l’urine ou la bile.

Pour ce faire, ils doivent passer par la phase 2 de détox de l’oestrogène toujours dans le foie notamment via la méthylation qui implique l’enzyme COMT (catechol-o-methyl-transferase) en charge de cette transformation.

Ceci dit la méthylation ne marche pas forcément très bien chez tout le monde. Elle peut être ralentie ou bloquée par exemple par certaines insuffisances ou carences en vitamines et minéraux, des polluants, perturbateurs endocriniens, des variations génétiques… entre autres multiples facteurs.

Parfois on se focalise à optimiser la phase 1 (par ex en prenant du DIM en complément), mais si l’enzyme COMT de la phase 2 ne fonctionne pas bien, le DIM sera clairement inutile et pourra faire plus de mal que de bien ?‍♀️

Là aussi le DUTCH test nous donne un bon insight sur la phase 2 (cf. extrait de résultats ci-dessous) ?

Encore une fois, faites-vous accompagner par un praticien spécialisé plutôt que de vous auto-tester et auto-supplémenter !

L’élimination de l’oestrogène : Phase 2,5

Une fois l’oestrogène transformé via la phase 1 et la phase 2 de détox dans le foie, les métabolites d’oestrogène créés sont prêts à être excrétés du corps notamment via la bile. Il leur faut alors passer par la phase 2,5, une notion relativement nouvelle. L’expression a été créée par le Dr Kelly Halderman.

La phase 2,5 consiste à transporter efficacement les métabolites d’oestrogène vers les selles via la bile. La bile est une sorte de « véhicule à toxines » qui les transporte du foie aux selles via lesquelles elles seront excrétées hors du corps (ce sera la phase 3).

La bile est sécrétée par le foie. Il y met tous les déchets préalablement filtrés (notamment l’oestrogène passé par les phases 1 et 2). La bile riche en déchets est stockée dans la vésicule biliaire, puis déversée dans les intestins notamment lors des repas pour emmener les déchets vers les selles (au passage, elle permet un transit régulier, évite la prolifération de mauvaises bactéries et autre infections, permet l’absorption des lipides…).
Une fois allégée des déchets, la majorité de la bile est réabsorbée pour recommencer ce cycle.

Résultat : si les phases 1 et 2 se font efficacement, mais que la production et le flux de bile ne sont pas au top, les phases 1 et 2 auront été inutiles car l’oestrogène ne pourra pas être excrété correctement. D’où l’importance de penser « big picture » quand on parle de l’oestrogène.

L’élimination de l’oestrogène : Phase 3

Après être passés par le foie (phases 1 & 2), puis par la bile (phase 2,5), les oestrogènes passent par la phase 3, la dernière phase de leur élimination du corps.

Cette phase se déroule dans les intestins : une fois dans les selles, les oestrogènes prêts à être excrétés attendent que l’on aille à la selle pour être évacués.

Cependant, plusieurs facteurs peuvent leur mettre des bâtons dans les roues, par exemple :

  • un microbiote intestinal non optimal : une dysbiose empêchera dans une certaine mesure l’excrétion efficace de l’oestrogène via les selles. Par exemple, la présence d’une enzyme (beta-glucuronidase) sécrétée par certaines « mauvaises » bactéries peut extraire les oestrogènes des selles et les faire circuler à nouveau dans le sang. Résultat : les oestrogènes ne sont pas évacués par les selles, et devront repasser à nouveau par le foie, la bile et les intestins. Autrement dit : on aura fait tout ce travail pour rien, et l’oestrogène s’accumule petit à petit dans le corps.
  • la constipation : le fait d’aller à la selle moins d’une fois par jour (ou même moins de deux fois par jour) aboutit au même résultat : les oestrogènes prêts à être excrétés « perdent patience » et retournent dans la circulation sanguine.

Là encore certains tests fonctionnels que j’utilise peuvent mettre en lumière les obstacles à la phase 3 comme la présence excessive de l’enzyme beta-glucuronidase, que l’on peut apaiser avec des outils nutritionnels précis.

Les perturbateurs d’oestrogène

Si votre prise de sang montre un oestrogène normal, vous avez désormais compris que ce n’était pas suffisant pour balayer l’hypothèse d’un problème au niveau de l’oestrogène. Ce dont je n’ai pas encore parlé, ce sont des substances qui perturbent l’activité oestrogénique de notre corps sans se refléter sur une prise de sang.
C’est par exemple le cas des xénoestrogènes, une catégorie de perturbateurs endocriniens (c’est-à-dire des substances qui perturbent nos hormones) qui affecte l’oestrogène. On trouve ces xénoestrogènes dans de nombreux objets du quotidien comme le plastique par exemple. Au contact de notre corps, les xénoestrogènes qui ressemblent structurellement à notre oestrogène prennent la place de l’oestrogène sur les récepteurs d’oestrogène, et se comportent comme l’oestrogène, mais souvent avec une activité particulièrement puissante. Résultat, on se retrouve avec une activité oestrogénique trop importante mais avec des quantités d’oestrogène normales.
C’est aussi le cas des mycotoxines, des toxines produites typiquement par les moisissures, que l’on inhale à longueur de journée si on travaille dans un endroit un tant soit peu humide (une minuscule goutte d’eau suffit à faire proliférer les moissisures). De la même manière que les xénoestrogènes, ces mycotoxines se comportent comme l’oestrogène dans notre corps sans être identifiées sur une prise de sang, et peuvent contribuer aux soucis associés avec un dérèglement d’oestrogène comme l’endométriose.
En conclusion, comme tout quand il s’agit de biochimie, l’oestrogène est donc un sujet très complexe qu’il convient d’explorer en détails à la loupe avec l’aide d’un praticien pour réellement décoder votre santé.